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mercredi 31 mars 2010

Sociologie, la modernité liquide, Zigmunt Bauman

Zigmunt Bauman est un sociologue polonais (double nationalité,polonaise et anglaise) considéré comme l'analyste mondial le plus réputé de nos sociétés comtemporaines. Il s'est intéressé pas seulement aux grands problèmes politiques et sociaux mais aussi aux phénomènes quotidiens comme le shopping ou l'amour. Né en pologne en 1925, il a résidé dans l'ex URSS après s'être engagé dans l'Armée Rouge puis est revenu dans son pays natal et a enseigné la sociologie à Varsovie.Il fut un vrai communiste mais avec un regard critique en avance sur son temps. De ce fait, il préféra partir en Israel et rejoindra ensuite l'Angleterre où il réside depuis 1971.

Zigmund Bauman




Au concept de Post- modernité,ce sociologue substitue celui de "modernité liquide"et propose à travers ses analyses de "rendre clair combien notre situation ne l'est pas".
La Post-modernité renvoie en effet à une crise, celle des philosophies, des théologies, du moins dans le monde occidental avec une variation à la hausse pour celle des idéologies au profit d'un retour aux croyances diverses cependant. C'est une culture de l'abandon, de la perte des illusions, au profit de l'individualisme en tant qu'instance capable de donner ses propres vérités.


 Eloigné de l'orthodoxie marxiste sous l'influence de Gramsci ( l'intellectuel italien qui élabora un marxisme pragmatique, capable de coahabiter avec le capitalisme, connu sous le nom de compromis historique), Bauman exprime un dégoût pour toutes les formes d'injustices sociales et c'est sans aucun doute ce sens des valeurs qui le conduit à penser le monde qui nous est proposé.
La responsabilité de la misère humaine est travestie, cachée à la vue de ceux qui en souffrent, ce qui hypothèque les raisons de révoltes légitimes et en ce qui concerne la sociologie est posée la question phare et très énigmatique, de savoir ou comprendre "comment des entités volontaires, comme vous et moi, possédant des désirs privés, pouvant se comporter de telle ou telle façon, réussissent à former une société ordonnée?".

La réponse réside dans le fait que dans toutes sociétés, il y a des conduites plus probables que d'autres étant donné que les gens se conduisent selon des patterns, des modèles, des schémas qui facilitent la tâche de ceux qui possèdent le pouvoir, lequel repose sur une "manipulation des probalités" dans le but de rendre plus désirables et plus probables certaines conduites afin de transformer une agrégation chaotique de gens en une société ordonnée.
Cette analyse reprend celle de Levi-Strauss qui considère que les sociétés fonctionnent non pas à partir de structures mais par une activité de structuration. Selon le sociologue, il n'y a de ce point de vue, guère de différence entre un pays socialiste et un pays capitaliste et entre la sociologie marxiste et la sociologie occidentale.

Pour comprendre le concept clé de Bauman de modernité liquide, il est nécessaire de définir celui de modernité solide dont la date de naissance serait l'année du tremblement de terre, de l'incendie, puis du tsunami de Lisbonne en 1755 au cours desquels périrent 20 000 personnes. Ce fut là "le dernier clou dans le cercueil" d'une conception du monde fondée sur la Providence divine selon laquelle Dieu régentait le monde "raisonnablement et pour le mieux". "Le management humain créerait une société si parfaite que tout changement ne pourrait que la dégrader et la conduire au pire."
Le concept de Modernité doit être précisé afin de mieux comprendre cette chronologie d'époques dont il est question dans cet article: la Modernité est apparue en Europe et les avis différent en ce qui concerne le point de départ: les uns penchent pour le XVI ème siècle, d'autres le XVII ème avec l'apparition de la science  et de la politique contractuelle ou encore est proposé le Siècle des Lumières ou enfin la période d'industrialisation, c'est à dire le XIX ème siècle avec le triomphe de la technique et de l'industrie.
 Zigmunt Bauman a choisi l'événement cité plus haut ce qui peut très bien se concevoir , l'essentiel étant de se rappeler les traits distinctifs de la Modernité dont on parle:

- mises en place de politiques stables en Europe,
- distinction du privé et du public,
- limitation du pouvoir politique et contrôle de celui -ci afin d'améliorer la démocratie,
- laicisation et cantonnement de la religion dans le privé,
- développement des techniques modernes de production,
- croissance exponentielle du savoir rationnel.

 Nantis de caractères décisifs, universalisables et imitables n'importe où, cette Modernité s'installe.
Mais à partir du moment où il faut isoler un de ces caractères, les avis divergent:

- Pour Auguste Comte, la science est la percée décisive, le positivisme;
-pour Saint- Simon, il s'agit de l'industrie,
-pour Marx, c'est le capitalisme,
-pour Tocqueville, l'égalité sociale et la démocratie,
-pour Max Weber, c'est la rationnalisation.

Ce rappel de notions effectué, revenons au concept de modernité liquide: il est défini à partir de l'idée de post- modernité dont la définition est simple et sans appel : "La post-modernité est la modernité moins l'illusion." L'illusion étant celle d'un état final, définitif, "où il n'y a plus rien à faire que de répéter". Or selon Bauman" le nombre de problèmes croît au fur et à mesure que nous avançons".


      

Les économistes du XIX ème siècle avaient pour idéal une économie stable: les besoins humains étant en nombre fini selon eux. Mais les besoins humains augmentent sans cesse avec les offres du marché et les limites ont disparu, ou du moins les limites pré-établies.
"Il y a vingt ans, personne ne rêvait d'avoir un portable; aujourd'hui, nous ne pouvons vivre qu'en en changeant tous les deux ans, pour acquérir des versions technologiquement plus poussées."
L'exemple du portable peut-être multiplié un grand nombre de fois quand on connaît l'inflation des nouvelles technologies à la portée des citoyens et la durée de vie limitée de tout l'appareillage qui accompagne désormais nos existences.
D'où la métaphore du liquide pour rendre compte que de ce fluide n'est pas " temporaire et irritant" mais, permanent et naturel.
Ne plus acheter de nouvelles versions de téléphones mobiles serait une catastophe, pareillement pour tous les autres objets (ordinateurs, jeux-vidéo, télévisions,..) et ce changement nécessaire nous rend heureux ou nous satisfait, surtout dans l'acte qui consiste à faire du "shopping".

De la liquidité dans la société (une sorte de zapping consumériste tenant le consommateur aux abois, forcé qu'il est de posséder la derniére trouvaille sous peine de passer pour un arriéré ), le sociologue en arrive à analyser des relations humaines comme l'amour dont on comprend bien qu'il doit être influencé par ce mode de consommation.

Il existe une relation dialectique entre deux valeurs importantes mais difficilement conciliables: le besoin de liberté et le besoin de sécurité. Si on considère ces deux valeurs, le progrés n'apparaît pas comme un mouvement linéaire mais pendulaire. En effet, Freud,dans son ouvrage " Le Malaise dans la civilisation" avancait, avec justesse, que nos désordres pschychiques venaient de l'appartenance à une civilisation qui impose l'abandon de notre liberté personnelle dans l'objectif d'obtenir plus de sécurité et d'être protégé des déceptions sociales, de la maladie, de la violence, de la guerre...
" Comme si la civilisation était un échange: vous abandonnez quelque chose et attendez de recevoir quelque chose d'autre. " dit Bauman.

Aujourd'hui, le malaise comtenporain, à l'inverse provient du fait que: "nous avons pendant un temps abandonné une part de sécurité pour élargir notre liberté et que ce besoin de sécurité fait un retour en force."

En amour ce caractère liquide n'a pas que des agréments, le couple est menacé par le fait que chacun à tout moment peut se séparer de son partenaire. Ainsi l'individu de la société liquide se trouve écartelé entre trop de sécurité d'une part et l'impression de tomber en esclavage et trop de liberté d'autre part, et la crainte incessante de perdre son amour. Zigmund Baumann dit à ce sujet :
" J'ai l'impression que les gens rêvent aujourd'hui de plus de sécurité que de plus de liberté. Le pendule oscille dans la direction contraire."
Il va de soi que ce type d'analyse est synthétique et concerne les dernières décennies des années 70 et la "révolution sexuelle" jusqu'à aujourd'hui où, semble-t-il, des valeurs plus traditinnelles se mettent en place y compris dans les fameux squats de Berlin, comme je lisais dernièrement dans Libération et où l'ambiance se penche franchement en direction de la petite bourgeoisie.

Bauman établit un lien entre l'état liquide de nos sociétés et le malaise qui en résulte et, la globalisation, laquelle on le comprend bien, implique plus de liberté, et aussi une insécurité accrue dans de nombreux domaines.
Selon son analyse, la globalisation pose un dilemme encore plus fondamental que les relations dialectiquement opposées entre besoin de liberté et besoin de sécurité. Et la question posée concerne la sortie de  "cet état instable du monde" plus ou moins imposé sinon développé à l'extrême par la finance et les industriels au point que des crédits mal distribués en Amérique mettent notre économie en crise et que dans ce pays, par exemple, plus personne ne fabrique nos "jeans" dont nous sommes tous par ailleurs affublés, pour le meilleur et pour le pire.

La réponse donnée est simple et de bon sens: "Si tant est que nous nous accordons tous sur certaines grandes valeurs fondamentales, telles que ne pas gaspiller nos ressources naturelles, la paix est meilleure que la guerre etc...La vraie difficulté n'est pas de déterminer ce qu'il y à faire, mais qui doit le faire. Je pense même, que la crise comtemporaine émane du fait que nous ne disposons pas d'organismes adéquats qui puissent faire face aux défis de la globalisation." 

Il paraît difficile de réfuter cette analyse, lorsqu'on voit, si l'on veut bien se donner la peine de voir, les désastres humains, politiques, économiques,et écologiques existants et à venir de la globalisation.

En effet cette globalisation, cette mondialisation : "signe au premier chef le divorce entre le pouvoir et le politique. Le pouvoir s'évapore dans l'espace global, tandis que le politique reste local. Et il n'y a pas d'échappée à ce problème, car à ce stade du développement de la science, de la technologie et de l'information, nous sommes tous mutuellement dépendants."

De ce fait, il s'agit de "remarier" le pouvoir et la  politique: " un pouvoir non contôlé par la politique et une politique dénuée de pouvoir". Et c'est bien l'impression que donnent les différents sommets internationaux, avec de belles photos de familles et diverses gesticulations et déclarations d'intention non suivies d'effets. Cela s'est vu dernièrement au niveau d'une éventuelle régulation de la finance ou de la préservation de la planète. C'est le cas encore, des états maffieux ou des maffias internationales, et de l'esclavage dans lequel est plongé une partie de l'humanité. Un type de mondialisation a été installée afin de satisfaire la voracité des détenteurs de ce pouvoir qui, on le comprend bien, est celui des financiers et des multinationales parfaitement dénués de soucis sociaux, ethiques ou écologiques. Et le sociologue dit à ce sujet: " Il n'ya pas de perspective pour notre modernité liquide en dehors du développement d'institutions légales, juridiques, politiques et démocratiques tenant compte du pouvoir, possédé déjà, par les forces globalisantes.

         

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